5.3 Le théâtre dans le théâtre
Il s’agit d’un procédé typiquement baroque. L'esthétique baroque néglige les proportions, privilégie l'asymétrie, les figures instables, le déséquilibre, la spirale et le vertige qu'elle entraîne, le jeu de la réalité et des apparences. Elle multiplie les perspectives.
Comme l’explique Anne Ubersfeld (Lire le théâtre I), l’enchâssement d’une pièce dans une autre provoque chez le spectateur une inquiétude qui peut aller jusqu’au vertige : interrogation philosophique sur la réalité et les apparences ; interrogation de la perception de la réalité, et de toutes ses déformations possibles ; interrogation portant sur l’existence ou l’identité des spectateurs dans la salle. Leur identité est en effet mise en doute puisque les spectateurs qu’ils contemplent, occupés à les mimer, ne sont que des personnages.
Quelques exemples :
The Spanish Tragedy / La Tragédie espagnole (1587) de Thomas Kyd est l’une des toutes premières pièces conservées, sinon la première, qui inclut un spectacle intérieur. On y trouve une variété d'enchâssements : une pantomime, une "évocation magique", une tragédie.
A Midsummer Night's Dream / Le Songe d'une nuit d'été (1595) de Shakespeare met en scène des artisans répétant une pièce.
The Knight of the Burning Pestle / Le Chevalier de l'ardent pilon (comp 1607-8 ; pub 1613) de Francis Beaumont et John Fletcher. Un couple de commerçants assiste à une représentation de The London Merchant qui satirise précisément la classe marchande. Il y a une interaction permanente entre les deux niveaux de représentation : les commerçants interviennent constamment et finissent par obtenir que leur domestique prenne un rôle pour améliorer l'image des marchands.