Accueil   Nous contacter
HISTOIRE DU THEATRE ANGLAIS DE LA RENAISSANCE AUX LUMIERES
Interrègne puritain
(1642-1660)

*/?>
Renaissance > Th������orie et pratique dramatiques
Pages :     1    2    3    4

5.2 Liberté vis-à-vis des règles de composition


"insertion/renaissant/renaissant_28.jpg", "commentaire" => "Diapo 28")), 1);?>

La théorie comme la pratique mettent en évidence une certaine liberté de composition par rapport aux Anciens. Basée sur l'admiration et le respect, la relation aux Anciens n’est pas pour autant un carcan sclérosant.



5.2.1 La question des unités dans La Poétique d’Aristote


Traité relatif à la composition, La Poétique se présente davantage comme un texte descriptif que prescriptif, même si cela n’empêche pas le philosophe de conseiller les poètes (il s’agit de voir ce qui fait d’une œuvre d’art précisément une œuvre d’art).


Pour Aristote, c’est l’unité d’action de l’intrigue (le muthos) qui est essentielle : « Il est bien clair que, comme dans la tragédie, les histoires (muthoi) doivent être construites en forme de drame, et être centrées sur une action (praxis) une qui forme un tout et va jusqu’à son terme, avec un commencement, un milieu et une fin pour que, semblables à un être vivant un et qui forme un tout, elles produisent le plaisir qui leur est propre. »


Le problème de l’unité de temps est posé et résolu en ces termes : « … de même que les corps et les êtres vivants doivent avoir une certaine étendue, mais que le regard puisse embrasser aisément [on ne peut pas trouver beau ce qui est trop petit ou trop grand], de même les histoires doivent avoir une certaine longueur, mais que la mémoire puisse retenir aisément ». Il s’agit donc pour Aristote d’une unité logique ou mémorielle, et de ce fait un peu subjective, pas d’une unité calendaire objective. Alors que le récit historique se concentre sur un seul temps (c’est-à-dire sur tous les événements qui au cours de ce temps sont arrivés à un seul homme ou à plusieurs), la tragédie se concentre quant à elle sur une seule action.


Il n’est pas question d’unité de lieu dans La Poétique.


Les chapitres de La Poétique à consulter sur la question des unités : 7 ; 8 (50b à 51a35) ; 23 (59a17 à 59b7).



5.2.2 Pas d'unité d'action


Les genres dramatiques n’étant pas encore clairement établis, la frontière entre tragédie et comédie reste floue. L’action se caractérise généralement par la diversité des intrigues et l’épaisseur des ramifications.


Doctor Faustus de Christopher Marlowe, par exemple, imbrique deux intrigues, l'une tragique, l'autre farcesque, qui n'ont qu'un lien ténu (même si la farce tend à parodier l'intrigue principale). Visiblement, l'intrigue comique vise à divertir le public, au risque de faire perdre de vue l'action principale. La pièce se divise en treize scènes successives, sans actes, laissant deviner l'influence du théâtre médiéval sous forme de tableaux.



5.2.3 Pas d'unité de temps


L'action de Doctor Faustus se déroule en vingt-quatre ans, la durée du pacte conclu avec le diable. Cette durée ne laisse pas d’évoquer une parodie de l’unité classique de temps, vingt-quatre heures !



5.2.4 Pas d'unité de lieu


L'action de Doctor Faustus se déplace avec le protagoniste, à travers l'Europe.



5.2.5 Un théâtre de sang et de larmes :


"insertion/renaissant/renaissant_29.jpg", "commentaire" => "Diapo 29"), array( "lien" => "insertion/renaissant/renaissant_30.jpg", "commentaire" => "Diapo 30")), 2);?>

Concernant la règle de bienséance, il existe en France deux écoles. Tandis que l’une fait fi de cette règle, l’autre recommande que la violence soit transportée hors-scène et rapportée dans le discours afin de ne pas risquer de choquer le public. Le théâtre anglais des XVIe et XVIIe siècles se caractérise quant à lui par sa violence spectaculaire.


Ce théâtre sanglant trouve sa source chez le tragédien romain Sénèque. La scène est là en accord avec la réalité sociale d’un peuple qui manifeste un goût certain pour le spectacle de la violence. Témoin en sont les pendaisons publiques (à Tyburn Tree), les exécutions publiques (telle la décapitation de Charles I en 1649), les bûchers où l'on brûle vives les sorcières...

Exemples de violence spectaculaire dans le théâtre anglais de la Renaissance:



Le théâtre tragique élisabéthain de Christopher Marlowe s’avère également particulièrement sanglant :



Le théâtre tragique de Shakespeare :


"insertion/renaissant/renaissant_31.jpg", "commentaire" => "Diapo 31 : Titus Andronicus (1592)"), array( "lien" => "insertion/renaissant/renaissant_32.jpg", "commentaire" => "Diapo 32 : Macbeth (1606)"), array( "lien" => "insertion/renaissant/renaissant_33.jpg", "commentaire" => "Diapo 33")), 4);?>


Le théâtre tragique jacobéen de John Webster :



"insertion/renaissant/renaissant_34.jpg", "commentaire" => "Diapo 34"), array( "lien" => "insertion/renaissant/renaissant_35.jpg", "commentaire" => "Diapo 35")), 3);?>

Cette violence spectaculaire caractérisera également la tragédie de la Restauration à la fin du XVIIe siècle.


Ce théâtre de sang et de larmes fait-il preuve de mauvais goût ? .


Il faut replacer les textes dans leur contexte. Le contexte dans lequel une pièce est produite est forcément inscrit, d’une manière ou d’une autre, dans l'écriture dramatique, puis sa mise en scène. Sénèque, dont s'inspirent les dramaturges anglais, écrit à l'époque de Claude et Néron, époque tourmentée s'il en est. Violent et macabre, le théâtre anglais renaissant reflète la crise sociale, les doutes et les incertitudes de l’individu, le « décentrement de l’homme », pour reprendre l’expression de John Dollimore dans Radical Tragedy (1989).

L’individu décentré :

La Renaissance se caractérise par une très grande curiosité intellectuelle qui explique les progrès scientifiques et le développement des arts, alors florissants. C'est une période d'exploration et de découvertes, mais celles-ci ont un effet à double tranchant : elles suscitent dynamisme et enthousiasme, tout en étant source d’inquiétude et de malaise puisque les certitudes s'effondrent, l’ordre établi est remis en question. C’est en repoussant les limites du savoir et de la connaissance humaine que l’individu devient paradoxalement conscient de l’existence de ces limites. L’enthousiasme s’accompagne donc inévitablement de frustration. Cette dialectique se trouve au cœur de la tragédie de Christopher Marlowe, Dr Faustus (1593 ?). Plus le Dr Faust apprend, plus il se heurte à ses propres limites et mesure tout ce à quoi il n'aura jamais accès. Frustré par la condition humaine, le savant vend son âme au diable pour accéder à la connaissance absolue. Un climat très paradoxal, où l’optimisme le dispute au pessimisme, domine donc la période. Il émane du théâtre sanglant qu’elle produit une force tragique incontestable.


Quelques rappels des bouleversements du monde renaissant :






Ainsi, le spectacle de la violence traduit le tumulte contemporain, le « décentrement de l'homme » renaissant et annonce les troubles qui se poursuivent jusqu'à la seconde Révolution d’Angleterre, en 1689.


"insertion/renaissant/renaissant_36.jpg", "commentaire" => "Diapo 36"), array( "lien" => "insertion/renaissant/renaissant_37.jpg", "commentaire" => "Diapo 37")), 6);?>

Le malaise ambiant devient maladie sociale : la mélancolie. Le personnage du jeune homme mélancolique est un stéréotype du théâtre élisabéthain et jacobéen. Angoissé, torturé, il est la voix du pessimisme et incarne la lassitude dans les pièces où il apparaît. Dans As You Like It / Comme il vous plaira (1599) de Shakespeare, le monologue de Jacques à l’acte 2, scène 7 exprime son vertige existentiel. La métaphore du théâtre du monde qu’il y développe n’est pas nouvelle en soi puisqu’elle remonte à l'Antiquité, mais prend à la Renaissance une signification particulière, une dimension métaphysique : le monde se conçoit comme une scène, vaste et unique, où les humains évoluent sous le regard du démiurge suprême. « All the world’s a stage » (« Le monde entier est un théâtre ») rejoint la devise du théâtre du Globe : « Totus mundus agit histrionem ». . Cette métaphore prendra une autre connotation à la fin du XVIIe siècle, durant la période dite de la Restauration, renvoyant désormais non plus à la tragédie métaphysique de la vie humaine mais à la comédie sociale.



Pages :     1    2    3    4