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HISTOIRE DU THEATRE ANGLAIS DE LA RENAISSANCE AUX LUMIERES
Interrègne puritain
(1642-1660)

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Restauration > Emergence de genres dramatiques
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4.3 La comédie de mœurs (« comedy of manners »)


C’est un genre nouveau en Angleterre, qui puise dans l'héritage grec de la Comédie Nouvelle de Ménandre et l'héritage latin de la comédie de Térence. Un corpus de plus de deux cents comédies de mœurs se constitue durant la période de la Restauration. La comédie de mœurs de la Restauration anglaise se caractérise par sa dimension sociale, satirique, spirituelle, métathéâtrale et amorale.



4.3.1 Une Comédie sociale


Miroir de la haute société contemporaine, la comédie de mœurs de la Restauration dramatise les relations et les intrigues des hommes et des femmes de la haute société, à la différence de la comédie de la Cité de Ben Jonson qui représente la classe moyenne, les bourgeois, les marchands. On note le narcissisme constitutif des membres de la haute société qui allaient au théâtre pour y être vus dans la salle et se voir mis en scène.


Elle se caractérise par une double opposition entre Ville et Cité d’une part , Ville et campagne d’autre part, à la fois sur le plan géographique et social.

Le terme Ville (Town) désigne simultanément les quartiers résidentiels à l’ouest de Londres et la haute société qui s’y est établie. Le terme Cité (City) renvoie non seulement au quartier de la Cité mais à la bourgeoisie qui y réside et qui, à quelques exceptions près, fait l’objet de la satire du dramaturge.

L’opposition Ville / campagne, où le terme Ville désigne en fait la capitale par opposition à la province, n'a plus le même sens dans la comédie de la Restauration que dans la littérature de la Renaissance où la campagne est idyllique et la ville, un lieu de corruption et de perdition. Pour la haute société de la Restauration, que les bourgeois n’ont de cesse d’imiter en règle générale, Londres est parée de tous les attraits tandis que la province est synonyme d’ennui, d’enfermement, de passéisme.



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4.3.2 Une comédie satirique


La comédie de la Restauration dénonce les vices humains, semblable en cela à la comédie de Molière dont elle est contemporaine et dont elle s'inspire, comme en témoignent les nombreuses adaptations produites tout au long de la période.

La comédie de la Restauration est donc à la fois ancrée dans son époque et universelle puisque les vices humains se perpétuent dans l'histoire de l'humanité.

Elle est également dominée par la dialectique du réalisme et de la satire, une forme de déréalisation puisqu’elle joue sur des effets d’exagération. La comédie de mœurs de la Restauration se présente donc comme un miroir déformant de la société.



4.2.3 Une comédie spirituelle


La comédie de mœurs est encore appelée « comedy of wit », « wit » désignant le bel esprit, du fait des dialogues pétillants, de l'énergie verbale qui s'en dégage, des joutes intellectuelles et oratoires qui sont mises en scène. Le spectateur assiste à un véritable feu d'artifice verbal.

Il convient de noter que la comédie de la Restauration est entièrement écrite en prose, à la différence de la comédie de la Renaissance. Les dialogues sont proches de la conversation quotidienne dans la haute société. À l’époque de la Restauration, en effet, la conversation est considérée comme un art qu’il faut cultiver. Cette caractéristique culturelle et sociale se trouve reflétée dans la comédie.

Le critique Thomas Fujimura souligne l’importance de ce critère dès lors qu’il s’agit d’analyser la comédie de la Restauration, définissant une typologie des personnages en fonction de leur degré d’esprit. Il distingue trois catégories : les « true wits » ou beaux esprits ; les « witwouds » ou imposteurs ; et les « witlesses » ou sots (The Comedy of Wit).



4.3.4 Une comédie métathéâtrale


La comédie de la Restauration se caractérise par une forme de métathéâtralité que Georges Forestier nomme dans son introduction au Théâtre dans le théâtre sur la scène française du XVIIe siècle la « pénétration du théâtre par le théâtre ». Les personnages se déguisent, revêtent des masques, changent d'identité, jouent des rôles… sans que l’on puisse pour autant parler de dédoublement structurel. Il s’agit d’un dédoublement ponctuel du personnage. Tandis que dans le cas d’une pièce dans la pièce, et a fortiori d’une mise en abyme, l’intrigue principale s’interrompt temporairement pour permettre à l’intrigue enchâssée de se développer, dans le cas de la pénétration du théâtre par le théâtre, au contraire, les jeux de rôle font précisément progresser l’intrigue principale sans l’interrompre.


On peut proposer trois interprétations complémentaires de ce phénomène quasi systématique :


  1. Il s’agit d’un héritage du théâtre de la Renaissance. Le théâtre shakespearien regorge de cas de pénétration du théâtre par le théâtre : As You Like It / Comme il vous plaira ; Twelfth Night / La Nuit des rois ; etc.


  1. La comédie est en cela le reflet d'une réalité sociale. De nombreux témoignages tendent à prouver que la haute société de l'époque était en effet très théâtrale et que ses membres affectionnaient les jeux de rôle, les déguisements, les bals masqués,... Voir la citation de Bonamy Dobrée (Vidéo ci-dessous)



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Restoration comedy (1660-1720) - Bonamy Dobrée
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Le port du masque féminin est d'ailleurs source de confusion puisqu’il est utilisé à diverses fins, comme accessoire de mode, pour passer incognita, ou encore comme signe distinctif de la prostituée. La reine Anne fait interdire en 1702 le port du masque dans les salles de théâtre.


La métaphore du théâtre du monde est réactivée : la comédie de la Restauration représente la Ville comme une multiplicité de scènes sociales (les salons, les cafés, les parcs et bien entendu les théâtres où l'on se donne à voir tout autant que l'on regarde le spectacle). Il ne s’agit plus d’une métaphore métaphysique, comme à la Renaissance, mais sociale : dans le théâtre du monde se joue désormais non plus une tragédie métaphysique, mais des comédies sociales.

La comédie de la Restauration met donc en scène une société du spectacle et, ce faisant, met en scène ses propres artifices, procédant à une déconstruction du phénomène théâtral. Cette dramaturgie du narcissisme conduit du reflet à une mise en perspective tant de la société de l'époque que du théâtre.


  1. La métathéâtralité est la métaphore d'une attitude sociale rationaliste

La période de la Restauration est dominée par le rationalisme. Le règne de la raison se traduit dans la haute société par une attitude particulière, un code social spécifique : le contrôle de soi permanent, l’interdiction de laisser paraître ses émotions. Tout est rationalisé, jusqu’aux relations humaines. Ainsi, dans la comédie de mœurs, les joutes verbales, les duels d’esprit entre amants sont source de comique. Le spectateur rit avec eux, et non pas d'eux. Le spectateur est partie prenante (à la différence de la comédie romantique).



4.3.5 Une comédie amorale


La comédie de la Restauration fut longtemps condamnée pour son immoralité et son indécence. Ses détracteurs arguent notamment de son langage grivois et des personnages dits immoraux (notamment le personnage du « rake » ou roué, dont l'appétit sexuel est mis en avant ainsi que son intérêt pour l'argent, deux caractéristiques qui en font un chasseur de jeunes et riches héritières). Ils lui reprochent l’absence de justice poétique lorsqu’elle célèbre le triomphe du roué, le train de vie libertin et l’hédonisme, au lieu de mettre en scène une conversion, une réforme morale.

Il s’agit non pas d’immoralité mais d’amoralité, l’objectif de la comédie de mœurs de l’époque n’étant pas didactique. Ancrée dans le présent, elle rend compte de la philosophie du carpe diem qui domine dans la haute société. Celle-ci entretient un rapport au temps complexe : elle rejette le passé traumatisant, synonyme d’exil et de dépossession durant l’Interrègne puritain, et forte de l’expérience passée refuse de croire en l’avenir pour vivre au seul présent.

Le ton léger qui semble dominer dans la comédie de mœurs n'exclut pas toutefois des accents sérieux, voir tragiques, notamment quand il s'agit de mettre en scène la condition féminine dans la seconde moitié de la période.



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The Way of the World acte 1, scène 1
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4.3.6 Personnages types


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L’avènement, à la Restauration, d’un nouveau genre dramatique, la comédie de mœurs, entraîne l’apparition sur scène de nouveaux types de personnages, parmi lesquels le rake et le fop.


Le rake : la traduction par « roué », pour être relativement proche, n’est pas totalement satisfaisante car elle fait référence à l’entourage du duc d’Orléans, et donc à un phénomène typiquement français. Par ailleurs la première occurrence du terme « roué » remonte selon Le Robert au début du XVIIIe siècle, à une date postérieure à la période de la Restauration anglaise. Son usage est donc anachronique pour désigner le personnage de la comédie de la Restauration anglaise.

Le rake se caractérise par son intelligence vive, son esprit, sa culture, son élégance, son aisance en société, son appétit sexuel, son intérêt pour l’argent. Ces deux derniers traits en font un chasseur de jeunes et jolies héritières.

Il a pour contrepartie féminine une jeune héroïne insolente.


Le fop : là encore la traduction du terme pose problème en français. Le terme qui s’approche le plus est sans doute celui de « petit-maître », sachant que le fop anglais n’entretient pas la même relation aux femmes que le petit-maître français. Le fop est trop narcissique et égocentrique pour s’intéresser véritablement à la gent féminine, bien qu’il s’attache à faire croire à son succès auprès de la gent féminine comme le requiert le code social masculin de l’époque.

Le fop est un sot persuadé d’avoir de l'esprit, un esclave de la mode qui prouve son mauvais goût alors même qu’il veut convaincre de son élégance. C’est un modèle d'affectation. Narcissique, il courtise son reflet dans les miroirs et n’a donc que peu de succès auprès des femmes contrairement au rake dont il est en tous points le double inversé, le repoussoir, le faire-valoir. . Histrionique, il donne en permanence son extravagance en spectacle.

Le célèbre trio de fops de la comédie de la Restauration se constitue de sir Fopling Flutter dans The Man of Mode (1676) de sir George Etherege, pièce dont le titre ambivalent peut renvoyer soit au rake Dorimant, soit de manière ironique à sa caricature ; sir Courtly Nice dans la pièce de John Crowne qui porte son nom (1685) ; de Lord Foppington, dont le nom est également signifiant, dans The Relapse (1696) de sir John Vanbrugh.



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The Fop
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4.3.7 Le corpus


Deux cents comédies de mœurs environ sont composées entre 1660 et 1710.

George Etherege marque avec The Man of Mode en 1676 l’apogée de la comédie de la Restauration. William Congreve, dramaturge brillant de la seconde moitié de la période, en signale le déclin avec The Way of the World (1700), qui annonce la comédie sentimentale. Si Mirabell a été un rake, il ne l'est plus, entre autres parce qu’il se montre capable et désireux de se projeter dans le futur. Par ailleurs les signes de rougeur qui se multiplient dans la pièce annoncent sans ambiguïté le code social sentimental du XVIIIe siècle.

Dans sa 18e lettre sur la comédie (Lettres sur les Anglais ou Lettres Philosophiques, 1778), Voltaire rapporte sa rencontre avec Congreve.

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Aphra Behn : poète, dramaturge, auteur de récits qui préfigurent le roman du XVIIIe siècle, c’est la première femme à vivre de sa plume en Angleterre.

John Dryden : Poète Lauréat, théoricien et dramaturge prolixe, il s’essaie à la comédie comme à la tragédie.

William Wycherley : il est l’auteur de quatre comédies qui font date, particulièrement The Country Wife (1675) et The Plain Dealer (1676), adaptée du Misanthrope de Molière.





4.3.8 Les héritiers


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Le XVIIIe siècle consacre l’avènement de la comédie sentimentale ou « weeping comedy » (comédie larmoyante), illustrée par exemple par The Constant Lovers / Les Amants constants (1722) de Richard Steele. Mais la comédie de mœurs survit, sous une forme un peu édulcorée, sur le mode opposé de la « laughing comedy » que l’on pourrait traduire par comédie comique ou comédie au carré. Parmi les pièces qui s’inscrivent dans cette tradition, on peut citer She Stoops to Conquer / Elle s’abaisse pour vaincre (1773) d’Oliver Goldsmith ; The School for Scandal / L'École de la médisance (1777) de Richard Brinsley Sheridan ; et au XIXe siècle, les comédies d’Oscar Wilde, dont The Importance of Being Earnest / L'Importance d'Être Constant (1895) et An Ideal Husband / Un Mari idéal (1895) 




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