3.2 Du côté du spectateur
La hiérarchie des classes se reflète dans l'organisation de l'auditorium, à l’exception du parterre, véritable creuset social. Les loges accueillent principalement la haute société ; la première galerie, la bourgeoisie ; la seconde galerie, le peuple. Sur les bancs du parterre se côtoient toutes sortes de spectateurs, parmi lesquels les beaux esprits qui cherchent la proximité avec l’aire de jeu pour faire entendre ponctuellement leurs commentaires et critiques, et les prostituées.
"insertion/restauration/restauration_13.jpg", "commentaire" => "Diapo 13"), array( "lien" => "insertion/restauration/restauration_10.jpg", "commentaire" => "Diapo 10")), 2);?>
On ne peut pas encore parler de théâtre illusionniste malgré les progrès scénographiques et l’apparition des actrices. Il faut pour cela attendre le XVIIIe siècle. Parmi les obstacles au développement d’une esthétique illusionniste on peut noter :
l’absence d'obscurité : les chandelles éclairent l’ensemble du théâtre, auditorium compris. Les chandeliers situés au centre de la salle, à la jonction de l’avant-scène et du parterre, gênent la visibilité des spectateurs de la première galerie, si l’on en croit le témoignage de Samuel Pepys, amateur de théâtre et diariste entre 1660 et 1669.
Mal éclairés par des chandelles, les décors sont en outre trop loin des comédiens, qui jouent sur l’avant-scène, et du public. Il en résulte un manque d'unité dans le spectacle.
Le jeu des comédiens ne s’avère pas toujours très convaincant. En l’absence de metteur en scène (il faut attendre le XIXe pour que la mise en scène soit reconnue comme profession), la direction d’acteurs est assurée par le dramaturge, l'acteur principal ou l’acteur ayant la plus grande ancienneté dans la troupe. Ce coordinateur est d’autant plus important que les acteurs ne disposent pas du texte complet de la pièce mais seulement de leur rôle, comme à la Renaissance. Les pièces ne restant pas longtemps à l'affiche, chaque comédien a beaucoup de rôles à apprendre et "insertion/restauration/restauration_14.jpg", "commentaire" => "Diapo 14")), 4);?> les trous de mémoire sont fréquents à en croire les témoignages de l’époque. Les rôles sont la propriété des acteurs qui les créent, durant toute leur carrière, d'où une confusion entre le personnage fictionnel et l'acteur qui l’interprète. Il n’y a pas d’adéquation au niveau de l'âge : la « star » de l'époque, Thomas Betterton (1635-1710), qui débute sa carrière d'acteur lors de la réouverture des théâtres en 1660 et décroche rapidement tous les premiers rôles, interprète ainsi le jeune et fringant Dorimant lors de la création de The Man of Mode d’Etherege en 1676 et dans toutes les reprises jusqu’à la fin du siècle. Chaque personnage de théâtre en vient à être associé à un style de jeu unique, qui doit être imité lorsqu'un autre acteur « hérite » du rôle.
Le spectacle est aussi dans la salle : critiques et beaux esprits mêlent leurs répliques à celles des acteurs ; la haute société narcissique vient au théâtre pour voir tout autant que pour être vue ; ceux qui veulent éviter de payer le portier circulent dans le théâtre, et il faut ajouter à leurs allées et venues celles des prostituées, les duels et bagarres ponctuelles. Cette ambiance est mise en scène dans A True Widow (1678) de Thomas Shadwell, où le public chasse les acteurs pour coloniser la scène.